Nicolas Maestre : « C’est vrai qu’il manquait cette saison ce paramètre qui fait vibrer les joueurs… »

20 mai 2021

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Les blessures graves peuvent toucher les arbitres aussi bien que les joueurs. Nicolas Maestre est arbitre international depuis de nombreuses années et un habitué des compétitions françaises, mais aussi de la Basketball Champions League, mais a dû se faire opérer du genou à cause d’une blessure au ménisque, il y a quelques mois, ce qui a entraîné une absence de neuf mois pour lui, et vient de revenir sur les parquets récemment en arbitrant notamment la finale de la Coupe de France. Retour avec lui sur son parcours, sur sa blessure, et sur son année ainsi que sur ses objectifs. Interview inédite.

Bonjour Nicolas, peux-tu nous parler de toi, et de ta passion pour l’arbitrage ?

« Bonjour, je suis marié, père de trois enfants et j’ai aujourd’hui 47 ans. Natif du sud-ouest (Lot et Garonne), j’ai grandi à Montauban dans le Tarn et Garonne. J’y habite toujours. Je me suis mis au basket après avoir essayé d’autres sports que je souhaitais découvrir. Mais une fois tombé dans la marmite du basket, impossible de m’en détacher. C’est devenu viscéral…’

Un mot sur ton parcours ?

Comme je le dis dans la question précédente, mon parcours est atypique. J’ai commencé l’arbitrage à l’âge de 13 ans en UNSS (Union Nationale du Sport Scolaire). C’est la plus belle école de l’arbitrage car il n’y a pas de pression (pas de public, des coachs qui sont nos profs, des joueurs qui sont nos potes). Mais j’arbitrais du handball. C’est à 16 ans que j’ai commencé à jouer au basket. Il y avait un club (USM) dans ma ville mais après ma première saison ce club a disparu et j’ai muté dans un grand club du département : le SA Caussade. Mais toute l’équipe cadet avait aussi muté. Nous étions 10 dont mon frère. De fait, en raison de la règle des joueurs mutés, seuls 3 d’entre nous pouvaient jouer une rencontre et au lieu de rester sur le bord du terrain à encourager les copains 2 week-ends sur 3, j’ai pris le sifflet ; mon frère lui nous entraînait. En parallèle, j’ai étudié à Toulouse (Université Paul Sabatier) et préparé un doctorat en physiopathologie des maladies humaines. J’ai conduit des recherches sur la leucémie et le cancer du sein puis suis allé faire un post-doctorat à Lille où ma femme avait eu son premier poste de CPE (Conseillère Principale d’Education). J’allais m’entraîner les jeudis soir avec les étudiants de la fac.

Ensuite tout est allé assez vite côté arbitrage. Je suis arrivé en ProA à 24 ans puis international à 26 ans (FIBA). J’ai ensuite arbitré en Euroleague pendant 15 ans puis pour la Champions League avec qui je viens de finir ma 5ème saison. Au total, j’ai au compteur plus de 2000 matchs arbitrés dont 1250 matchs professionnels (150 pour l’Euroleague, 250 pour la FIBA et 850 en France)« 

Pour toi, qu’est-ce qu’un bon arbitre ?

« Un bon arbitre est une personne qui a suffisamment de recul, de connaissance technico-tactiques et d’intelligence pour diriger la rencontre avec le moins de coup de sifflets possibles. C’est comme faire du solex (vélo-moteur) dont le moteur accélère en continu. Il faut freiner de temps en temps si on veut ralentir… Un match de basket c’est identique : il faut laisser les joueurs jouer et de temps en temps il faut ralentir le jeu. »

Un jeune basketteur rêve de disputer le championnat d’Europe ou championnat du monde, est-ce la même chose pour un arbitre ?

Nicolas Batum (France) et l arbitre – insolite BASKETBALL : France vs Montenegro – Tournoi de Paris – 07/09/2018 JBAutissier/Panoramic PUBLICATIONxNOTxINxFRAxITAxBEL

« Oui, pour ma part, c’était le même sentiment qui m’animait. Jeune, après avoir commencé l’arbitrage, quand je regardais les matchs à la télé je rêvais d’y être. Et quand j’ai pu ensuite partir ensuite atteindre la proA ou partir sur mon 1er Eurobasket masculin en 2017 (ou sur des coupes du monde) je peux vous garantir que la fierté est vraisemblablement la même que pour un joueur. Tout dépend des objectifs que l’on a fixés. »

Un mot sur ta blessure d’il y a quelques mois, expliques-nous ?

À l’entrainement, pendant que je préparais mes tests de début de saison, je me suis fait une rupture partielle du ménisque droit. C’était fin août, et ça faisait un mois que j’avais une petite douleur. Mais je ne me suis pas alerté. Je me suis dit « Nico, 47 ans, c’est normal que tu commences un peu à avoir mal au genou ! » (rires). Je courrais, comme d’habitude, et là, je sens quelque chose qui se coince sous mon genou. Impossible de marcher. C’est ma première blessure ! Le 31 août, quand ça a pété, je suis rentré chez moi et j’étais abattu. Ça faisait six mois qu’on n’avait pas arbitré. Je pense que je me suis blessé à cause de la COVID. À tourner autour de chez-soi sur le bitume pendant trois mois, ça m’a mal préparé. Mon corps était habitué à faire des matchs tous les deux-trois jours, à s’entrainer en salle, sur le parquet ou sur la piste d’athlétisme. C’est complètement différent que courir sur le trottoir. Je courrais pour rester en forme mais mon corps a dit « stop, on arrête ça ». Quand ça fait six mois que tu n’as pas arbitré et que tu te blesses le 31 août, tu sais que l’année est foutue. Ça a été dur le 31, mais ensuite, le 1er septembre j’étais déjà à la recherche d’un chirurgien, je cherchais à gagner du temps sur l’opération et voir comment allait se faire ma rééducation. Je voulais juste revenir au plus vite !“

Nicolas, parlons de l’actualité, comment vis-tu cette situation en tant qu’arbitre ? Est-ce compliqué d’arbitrer à huit clos, ? Est-ce différent ?

« L’actualité m’a conduit dans un premier temps, lors du confinement de 2020, à m’entraîner autour de chez moi. Cet entraînement pour garder la forme, à 1 km à la ronde et sur du bitume, pendant des semaines, a été fatal pour mon genou. Une opération du ménisque en septembre 2020 a compromis mon début de saison. Alors il a fallu apprendre à s’entraîner un peu différemment et sur le terrain le fait de ne plus avoir des publics parfois vindicatifs a permis de se recentrer sur le jeu. Mais le public manque tout de même…Nous entendons toutes les réactions et émotions des acteurs et il faut les manager avec encore plus de psychologie ou de diplomatie. La faculté humaine fait que nous avons su nous y adapter. »

Tu viens d’arbitrer la finale de la Coupe de France à huit clos, une fierté pour toi d’arbitrer une finale ? parles-nous de cet événement en général que tu as arbitré, comment cela s’est passé ?

« Arbitrer à Bercy est un peu comme atteindre le summum. Bien sûr que d’arbitrer les finales de la Jeep Elite ou bien des matchs de niveau international sont des moments intensément riches en émotion mais Bercy reste Bercy. J’ai eu l’occasion d’y officier des finales et All Star Game. Cette salle n’a pas d’égal en France et elle est mythique. Maintenant, arbitrer dans Bercy vide c’est différent. Mais je me suis rendu compte au final cette année que, même vide, je reste hyper concentré sur le match. Cela ne me perturbe pas et qu’il y ait 10 ou 20 000 personnes, quelque part je fais vraiment abstraction du public (c’est une force que nous avons développé en arbitrant). Le parquet est exceptionnel, la sono et les éclairages sont aussi uniques. Quel pied !!

Mais c’est vrai qu’il manquait cette saison ce paramètre qui fait vibrer les joueurs, et nous par la même occasion. On va dire que c’est comme manger une salade sans assaisonnement…« 

Quels sont tes objectifs à court et long terme ?

« Mes objectifs à court terme sont d’officier sur les phases finales de la Jeep Elite (en espérant qu’il y en ait…) et de rester performant au plus haut-niveau. Puis de maintenir le cap dans le groupe Elite monde avec en ligne de mire l’Eurobasket 2022.

A plus long terme, rester apte techniquement et physiquement quand j’aurais passé la barre des 50 ans…

Je souhaite aussi continuer à enseigner les valeurs associées à l’arbitrage et préparer nos jeunes arbitres de demain. Coacher ces jeunes est vraiment ce qui anime mes objectifs à plus long terme.

Que fais-tu à côté de l’arbitrage ?

« Je suis formateur national et responsable technique de la Zone sud-ouest. J’encadre régulièrement des stages pour nos arbitres et anime des formations de formateurs. Je contribue aussi à la formation en ligne depuis plus de 10 ans à la Fédération Française de Basket-Ball. Du travail à distance qui a encore plus de sens aujourd’hui avec la situation pandémique. Nous y avons développé les enseignements à distance. Cela permet de garder le « contact » avec les officiels. »

J’ai donc une place au sein du pôle formation de la FFBB dans lequel il y a d’autres missions nationales plus ponctuelles. »

« J’ai aujourd’hui une énorme pensée pour les joueurs et les officiels/coachs/dirigeants du monde amateur qui ne sont pas encore sur les terrains ; j’espère les revoir au plus vite ! et si les lectrices ou lecteurs de 5by5 souhaitent plus de renseignements sur l’arbitrage, je me ferais un plaisir de partager ma passion.« 

Un très grand Merci à Nicolas pour l’interview !

Auteur
Mallory

Mallory

Passionné par le sport et la communication sportive, Mallory est depuis 2014 responsable du site 5by5.fr. N'hésitez-pas à le contacter pour une demande d'interview ou pour toutes autres demandes en rapport avec 5by5 !