La parenthèse oly- et paralympique s’étant refermée depuis quelques jours, l’heure des premiers bilans est venue. Notre correspondant, Marc Bellitto a eu le plaisir de nous faire le résumé !
Pour le para sport adapté, qui concerne les sportifs présentant une déficience intellectuelle, la quatorzième place au rang des nations (une médaille d’argent) est en deçà des espérances, et en net retrait par rapport aux trois médailles –une de chaque métal- glanées à Tokyo 2020.
C’est Gloria Agblemagnon qui a permis d’éviter le zéro pointé, en décrochant l’argent au lancer de poids (F20). Son quatrième jet à 14m43, le seul au-delà de 13m80, lui permet de devancer de 12cm la tenante du titre équatorienne, Poleth Mendes, qui a pourtant lancé cinq fois au-delà de 13m80. Également plus régulière, la triple championne du monde britannique Sabrina Fortune s’impose sans trembler, avec un premier jet à 15m12 synonyme de nouveau record du monde.
Record du monde également amélioré chez les hommes. Avec 17m61, l’Ukrainien Oleksandr Yarovyi devance le triple champion du monde malaisien Ziyad bin Zolkefli. Auteur cette saison de la meilleure performance mondiale de tous les temps chez les moins de 21 ans (16m73), le Français Soane Meissonnier s’offre une très belle quatrième place. L’élève de Laurence Manfredi prend date pour Los Angeles 2028, où il fera assurément partie des favoris pour l’or paralympique.
Troisième para athlète adapté français qualifié, le champion paralympique en titre du 400m T20 Charles Antoine Kouakou (CAK) est passé à côté de sa finale, quelques jours seulement après avoir allumé la vasque lors de la cérémonie d’ouverture. Privé de séries la veille, l’élève de Vincent Clarico à Antony Athlétisme 92 a été piégé -ainsi que son rival brésilien- par une course partie beaucoup trop vite, sur un second départ long à venir. Dans ces conditions, il n’est plus question de chrono inférieur à 47 secondes, et c’est en 48″09 que le Colombien Jhon Sesbastian Obando s’impose, devant l’Espagnol David Pineda Mejia et le Mauricien Yovanni Philippe.
Également médaillés à Tokyo, les para pongistes adaptés tricolores Léa Ferney et Lucas Créange ont joué le podium sur un unique match de quart de finale, fatal dans les deux cas. La Dijonnaise a réussi à arracher un set à la numéro un mondiale, alors que le sociétaire de l’ORTT Reims s’est incliné en trois sets sec, face à l’inoxydable double champion paralympique hongrois Peter Palos. L’or paralympique S11 a finalement été remporté par la Japonaise Natsuki Wada (21 ans) face à Elena Prokofeva (53 ans), et par le Coréen Gi Tae Kim contre Po Yen Chen (17 ans) de Taïpei.
Qualifiée dans quatre épreuves de para natation adaptée (S14), avec même un top cinq au départ sur 100m dos et 200m quatre nages, Assya Maurin-Espiau était initialement identifiée pour Los Angeles 2028. Dès lors, même si elle s’est dit déçue par des chronos très éloignés de ceux réalisés les mois précédents, la jeune landaise s’offre tout de même une cinquième place sur 100m brasse, et elle prend surtout de l’expérience pour aller chercher des podiums en Californie dans quatre ans. Tout comme sa grande rivale britannique Olivia Lily Newman-Baronius, 17 ans également, archi favorite et finalement limitée à une médaille de bronze en individuel (et l’or en relais mixte).
Chez les femmes, ce sont ses compatriotes Poppy Maskill (or en dos, papillon et relais mixte ; argent en nage libre et quatre nages) et Louise Fiddes (or en brasse, bronze en nage libre) qui ont finalement disputé les titres à la quintuple championne paralympique russe Valeriia Shabalina (or en nage libre et quatre nages ; argent en dos et bronze en papillon) sous bannière neutre. Chez les hommes, c’est le Canadien Nicholas Benett qui a pris la lumière, avec deux médailles d’or (brasse et quatre nages) et une d’argent (nage libre), suivi par le jeune Britannique William Ellard (or en nage libre et relais mixte ; argent en papillon), l’Australien Benjamin Hance (2ème titre consécutif en dos ; argent en relais mixte) et le Danois Alexander Hillhouse (or en papillon).
Pour le reste des épreuves de para sport adapté où l’Equipe de France n’était pas représentée, la logique a globalement été respectée. D’abord avec le cinquième titre paralympique historique de Barbara Bieganowska-Zajac sur 1.500m (4’26″06 à 43 ans). La Polonaise est invaincue en demi-fond paralympique adapté depuis Sydney 2000, et elle détient désormais 53 titres mondiaux individuels ! Sa compatriote Karolina Kucharczyk s’offre elle son troisième or paralympique au saut en longueur.
Logique également respectée sur 1.500m chez les hommes, où le Britannique Ben Sandilands signe sans trembler un nouveau record du monde en 3’45″40. Il devance le Portugais Sandro Baessa, auteur d’une dernière ligne droite de toute beauté. Emouvant podium pour la vice-championne paralympique en titre ukrainienne sur 400m T20, Yuliia Shuliar, qui s’impose enfin. Avec un chrono de 55″16, elle devance la jeune Turque Aysel Onder (19 ans), auteure la veille du nouveau record du monde (54″96). Autre favori battu, le double champion paralympique et quadruple champion du monde malaisien Latif Romly doit se contenter de l’argent du concours de la longueur T20, surclassé par Matvei Iakushev (7m51).
Nos Bleu(e)s du sport adapté ont probablement été victimes des nombreuses sollicitations et de la clameur populaire, justement en raison d’un handicap qui complique la gestion des émotions. C’est paradoxalement le prix à payer pour espérer que ces Jeux puissent faire changer le regard de la société sur ce handicap psychique et mental, invisible et mal compris. Encore faudrait-il que les instances paralympiques internationales reconnaissent enfin la diversité de ce handicap, en créant de nouvelles catégories (trisomie, autisme). En associant le sport adapté à l’allumage de la vasque, Tony Estanguet a montré la voie. Mais il faudra aller au-delà du symbole, car Paris 2024 marque aussi l’arrêt brutal de la progression du nombre des épreuves de para sport adapté -21, soit 3% du total- depuis leur réintroduction à Londres 2012. Et l’absence de célébration du centenaire des premiers Jeux du silence (Paris 1924) laisse peu d’espoir de voir réhabilité un jour le projet de Jeux de tous les handicaps envisagé par l’ICC, l’ancêtre du comité paralympique.
D’autres enseignements devront être tirés pour mieux préparer nos paralympiens adaptés à Los Angeles 2028. A commencer par la professionnalisation et l’inclusion dans les structures, clubs et fédérations dédiées au très haut niveau, avec bien sûr l’accompagnement nécessaire. Plusieurs pays le font déjà avec succès, à l’image notamment des Anglais qui écrasent le classement des médailles du para sport adapté (14 podiums, dont 7 titres sur 21 possibles). Le développement d’un circuit national de compétitions para-valides et de meetings avec épreuves complémentaires dédiées contribuerait en plus à la cohésion de l’équipe de France unifiée. Une préparation mentale adaptée permettrait de mieux appréhender une compétition qui se joue sur une seule course ou un seul match, mais aussi une foule bruyante ou les différentes contraintes médiatiques. Au-delà, il est essentiel de mieux protéger nos sportifs dans leur quotidien et de leur donner les moyens d’une véritable insertion sociale. A commencer par les études et la formation (absence de filière sport étude adaptée), en aval d’une détection plus précoce et efficace.
Marc Bellitto